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Par Erick FANTIN Le 27/10/2014
Saissac, village fleuri
1980
Depuis très longtemps Saissac participe activement au concours du « Village fleuri ».
Déjà le syndicat d’initiatives avait décerné des prix et Mr Jean Bergamelli
avait présenté un montage visuel des meilleures réalisations, MM Martin et Calvet prirent la suite
et Mr André Beguin pendant de nombreuses années anima ces réalisations florales.
Un premier prix départemental récompensa notre village.
MM Béguin, Séguy, Bibies et Ernst, lauréats du concours 1980
MM Fantin, Calvet, Martin, Fabre et Barbaste, membres du Jury
Photos ecole de Saissac - Année 1993
Par Erick FANTIN Le 24/10/2014
Célébrités à Saissac - Maistre
Par Erick FANTIN Le 13/10/2014
Célébrités à Saissac
MAISTRE
Par le Dr Jean MICHEL
La famille Maistre s'installe à Saissac par le mariage de Jules Maistre de Villeneuvette avec Marie fille d'Edouard Bosc . Jules Maistre appartenait a une famille de drapiers qui possédait la manufacture de Villeneuvette depuis 1803. Ils eurent 5 enfants, Claire, Edouard, Euphémie, Casimir et Paul.
L’ancienne cité industrielle et autonome de Villeneuvette de Clermont fut fondée sous l’impulsion de Colbert en 1677.
Fontaines, aqueduc, canaux déversoirs en cascades, bassins rappellent le Roi-Soleil. Dont une petite place en carré porte le nom. Rien n’y manquait : l’église, l’auberge pour les inspecteurs des draps et les négociants de passage, la glacière sous sa coupole ; les habitations des contre-maîtres et commis dans la grand’rue, les logements rue Bert pour foulonner, tondeurs, pareurs, encoleurs et tisserands. La cité du travail grâce aux prés, vignes, oliviers et champs l’entourant se suffisait à elle-même.
Ce fut le dernier établissement de ce type à survivre, après une réussite qui dura jusqu’aux années 1950.
Paul Maistre va résider à Escourrou, il s'occupera aussi de la manufacture "Jules Maistre et fils" à Villeneuvette . Puis a la mort de Jules Maistre son père en 1909, il va avec son frère Casimir devenir gérant de la société "Les fils de Jules Maistre", transformée enfin en société "Maistre et Cie". Paul Maistre va tomber héroïquement à Verdun en 1916.
Casimir Maistre
Etait donc le petit fils d'Edouard Bosc .Il est très jeune passionné par les explorations et participe ainsi en 1889 avec le docteur Catat à l'exploration d'une partie inconnue de Madagascar cinq ans avant l'occupation de l'île par les troupes françaises.
Casimir Maistre effectue son premier voyage avec le Docteur Catat à Madagascar.
Le compte rendu de ce voyage paraît dans « Le Tour du Monde de 1893. Voyage qui dure de 1889 à 1891.
C'est alors que le comité de l'Afrique Française le choisit pour prendre le commandement de la mission Congo Niger , il a alors 23 ans , c'était en 1892.
Cette mission avait pour but de relier les établissements du Congo et ceux du Soudan. C'était l'époque où les anglais envisageaient d'établir une ligne de chemin de fer entre le Cap et le Caire et les français entre Dakar , Brazzaville et l'Abyssinie et Djibouti .D'où la fameuse affaire de Fachoda et du commandant Marchand qui faillit se terminer tragiquement . Une première mission confiée au colonel Crampel venait d'échouer et avait vu la mort de son chef.
Léon , Joseph, Casimir Maistre prend le départ de Brazzaville avec sous ses ordres 5 européens et une escorte de 60 sénégalais et 120 porteurs. Il va falloir deux ans a Casimir pour parcourir un itinéraire de 5000 Km dont plus de 2000 à pieds dans des régions totalement inconnues.
De l'Oubangui a Garoua grâce à de patientes négociations menées avec les chefs régionaux , il réussit à obtenir des accords d'amitié qui ratifiés par le gouvernement et le parlement nous assurent une primauté sur l'Angleterre et l'Allemagne .Ces droits sont reconnus par la convention de Berlin en 1894.
Ces droits obtenus par la mission Maistre permettent en 1908 un arrangement avec l'Allemagne qui moyennant la cession d'une partie des territoires obtenus par Maistre évite une guerre et nous laisse les mains libres au Maroc.
Les documents scientifiques rapportés par Maistre et ses compagnons (Géologie, astronomie, hydrographie, levée de plans etc. ) Utilisés par les géographes français et étrangers , les nombreux congrès et conférences , donnent à Casimir Maistre une réputation internationale et lui valent de nombreuses distinctions , dont la légion d'honneur à 25 ans qui lui est remise par le ministre Delcassé.
Carte
exécutée d’après les documents de Casimir Maitre
Partis de l’Oubangui,
poste de Kémo, passe chez les Ndris, échange de sang, en
guerre avec les Mandjas. Va chez les Arétous, puis chez les Saras,
dans les marais rencontre les musulmans du Baguirni. Passe chez les Toumoks
puis les Gaberis . Traversée du Logone. Séjour forcé chez les
Lakas, puis retour par la Bénoué, Yola, Ibi et le fleuve Niger.
La paix de Casimir
avec les Mandjias 1892
Attaque du camp par les Mandjas
Maistreville
Il décide en 1950 de revenir a ses souvenirs et note ses mémoires. Il a toujours été en relations d'amitié avec Brazza et Lyautey , ainsi qu'avec les académies de sciences coloniales. Dans sa maison de Montpellier où il se retire , il reste a l'écoute des événements , toujours aussi alerte d'esprit. En 1935 à l'initiative du général Malafosse (fils d'un contremaître de Villeneuvette) Casimir Maistre est nommé sur intervention de Lyautey officier de la légion d'honneur En 1937 le haut-commissaire Boisson inaugure à Garoua au Cameroum un monument rappelant la jonction des missions Maistre et Mizon venues à la rencontre l'une de l'autre .En 1947 un poste stratégique du Tchad est baptisé Maistreville par décret du gouvernement français .Le monument de Garoua a été détruit et seule une plaque de bronze a pu être sauvée grâce à la présence d'esprit de notre ambassadeur .Maistreville se nomme désormais Kelo et sert de dépôt aux "Médecins sans frontières"
Casimir est mort en 1956 à Paris renversé par un véhicule conduit par un noir.
Le drapeau tricolore qui porté par un tirailleur sénégalais a parcouru 5000 Km en tête de la colonne est rentré en France avec de très nombreux objets , armes, ivoires, bracelets et les carnets de notes journalières tachés et délavés par les bourrasques et le soleil. Ces notes ont permis au service géographique de l'armée de dresser une carte exacte de l'itinéraire Congo-Niger.
Ces souvenirs précieux sont toujours entre les mains des héritiers directs de Casimir Maistre.
Casimir Maistre directeur de la Manufacture
Et voici qu'en 1895 Casimir disparaît de la scène en pleine notoriété , il va désormais pour obéir aux ordres de son père se consacrer à la gestion des affaires familiales jusqu'en 1950 ou il reviendra à ses souvenirs .
Pour obéir a son père Jules Maistre-Bosc qui l'appelle a l'aide, Casimir abandonne sa vocation. Avec son frère Paul il devient a la mort de son père en 1909 gérant de la société "Les fils de Jules Maistre" transformé en société "Maistre & Cie "
Les deux guerres mondiales allaient étoffer une activité s'effilochant après 1902 ou l'on recensait 300 habitants .Jusqu'en 1939 on y tissa du drap pour la marine et jusqu'en 1943 pour les fantassins. Dès lors la marche devint de plus en plus claudiquante.
Casimir jusqu'en 1950 dirige la manufacture , aidé de son frère Paul (héroïquement tombé à Verdun en 1916) et de son neveu Jean Maistre lui aussi combattant gravement blessé .Casimir, aux qualités de meneur d'hommes, dirige pendant près d'un demi-siècle (1909 1950) l'entreprise où l'on apprenait à lire , où l'on vivait et on mourait. On y partageait le travail, le gîte, les jardins, les distractions et les fêtes.
Une vie communautaire dans une étonnante abbaye ouvrière ayant élevé le travail en arc de triomphe au dessus de la lourde porte. Villeneuvette eût ses chapelles. Comme le veut le dicton "La laine est catholique, la soie protestante" les gens de messe étaient les plus nombreux. Mais ils y voisinaient en bonne intelligence avec les protestants hollandais ou du R P R (Religion prétendue réformée) . Et c'est là que naquit Pierre Jacques Astruc qui introduisit la franc-maçonnerie en Languedoc.
Photos ecole de Saissac - Année 1992
Par Erick FANTIN Le 08/10/2014
Par Erick FANTIN Le 06/10/2014
Bals à Saissac
Fêtes et divertissements
Avant la guerre de 1939, pendant la belle saison, il ne se passe point de dimanche qu’on ne festoie, s’amuse et danse. Fêtes locales, patronales ou votives, l’été les pare de toute la rayonnante splendeur de ses journées radieuses et les embellit de la sereine profondeur de ses nuits de velours. Bals en plein vent d’où s’échappent les éclats de rire à pleine bouche, les polkas, le hoquet des canettes qu’on débouche, les gros verres trinquant sur les tables.
Et parmi les chocs des rires et des voix et du vent fugitif dans les ramilles vertes, le bourdonnement aigrelet des cornemuses enrubannées ou le bruissement acidulé de l’accordéon.
Le triomphe de l’accordéon
Entre les deux guerres seuls les ménétriers qui ont opté pour l’accordéon diatonique obtiennent un sursis. Paul Bastie de la Colle de 1925 à 1937, Lisou Campanel de Saigne-Villemagne, Tartosal jouent à la demande de l’accordéon ou de la cornemuse.
« Une fois par semaine on se retrouvait dans une campagne où Louisou des Roques ou Paul de la Colle nous faisaient danser au son de leur accordéon. C’est là qu’on pouvait rencontrer des garçons. Quand une fille et un garçon se plaisaient, ce dernier se louait dans la métairie de la fille, pour la voir souvent, mais aussi pour montrer ses mérites et plaire aux parents. »
Pendant la guerre
Les bals étaient interdits, mais partout avaient lieu les « bals clandestins » toujours à la merci d’une dénonciation et d’une descente de la gendarmerie.
A Saissac les dansent avaient lieu chez « Lucien », un simple d’esprit qui habitait à l’actuelle maison de Louise Paule. Le plancher de la maison vibrait pendant les danses, faites au son d’un « pick up » ou d’un phonographe à manivelle.
On dansait au Colombier haut, à Bataillé, à Peyrolemal, à Saint Pierre où 30 à 40 couples se trémoussaient sur la branlante étable des vaches.
A Saigne-Villemagne, les Roques, c’était André Limousis de Bouriac, un cycliste réputé, qui amenait son « fono » sur le porte bagage de son vélo et animait les bals clandestins, au Moulin de Sempel l’on guinchait sur la route.
Musiciens
A Saissac, on garde le souvenir du jeune Tadiotto, accordéoniste de talent, qui disparut pris dans une rafle par les allemands, alors qu’il descendait en vélo à Carcassonne, son « tira buta » sur le dos, prendre des leçons d’accordéon.
Louisou Bousquet jouait dans les campagnes. Mais souvent c’étaient les « pick up » de Bastoul ou d’André Limousis qui animaient les bals. Rodriguez « Michel de la Bastide » à l’accordéon avec Séverin Antolin à la batterie chauffaient les valses, les marches et les javas.
Après la libération et la Victoire
Les bals ont lieu sous la halle de Saissac, l’orchestre est juché en hauteur, sur un praticable en bois où il a tout juste la place de s’installer.
Les couples tournent autour du pilier en bois de la salle, pas encore dallée.
Les mères assises sur des bancs de bois placés autour de la piste, surveillent attentivement les jeunes filles. Des idylles se nouent au milieu du ronron des orchestres « modernes ».
« Passé Simple » de Jean Michel
Extérieur et Intérieur de l'ancienne salle des fêtes
Par Erick FANTIN Le 29/09/2014
Las Tours Negros
Un écu, trois pistoles, c'est ce que vous devez acquitter pour le passage du gué reliant les deux versants de la rivière, pour vous, deux moutons et quatre dindes.
Voilà ce qu'on pouvait entendre un jour de l'année mille-cinq-cents et quelques entre le seigneur de Maupertuis, son valet «Moucofede» et l'abbé Regusse, moine de son état, dans une grande salle de ce château qui servait d'octroi entre les villages de St-Denis, Saissac et Valsiguier (Montolieu).
La tenue du seigneur vêtu de brocards et de soieries détonnait avec la robe de bure marron du moine et les haillons de son valet dans ce château à l'aspect austère, bâti avec le granit gris qui l'environnait. Une grande salle commune, un dortoir, une pièce faisant office de cuisine et une salle à manger où étaient entreposées quelques maigres victuailles, des couloirs mal éclairés, et une petite chapelle constituaient les seules pièces ; et le château était flanqué de quatre tours, dont une ronde qui était son donjon.
Donc ce château était destiné à percevoir les taxes pour toute marchandise, bétail et même voyageur passant le gué. Il était tenu par une confrérie de moines, un prieur et cinq moines, qui menaient une existence aussi véritablement monacale que monotone au gré des passages de personnes et de marchandises qui transitaient par cette route assez peu fréquentée.
Quelques marchands ambulants, quelques pèlerins allant faire dévotion à l'abbaye de Saint-Papoul, et quelques ménestrels allant chanter et danser dans les châteaux avoisinants, ou encore des montreurs d'ours qui allaient donner leur spectacle sur les places des villages.
Par une nuit de Noël, alors qu'il faisait un froid vif et que la neige commençait à tomber sur ce lieu inhospitalier, nos moines se préparaient à célébrer la messe de minuit. Ils avaient revêtu leurs belles aubes blanches, tenaient une torche à la main pour s'éclairer et se rendaient à la petite chapelle en entonnant quelques chants de Noël, lorsqu'un grand bruit retentit entre les murs et qu'ayant forcé la poterne une bande de malandrins armés de couteaux et de haches, après s'être emparé de quelques objets précieux et avoir récupéré les quelques écus et pistoles des droits de passage, se ruèrent sur les moines sans défense et les égorgèrent.
C'est ainsi qu'on les découvrit, dans leurs belles robes blanches toutes maculées de sang.
C'est alors que naquit la légende des «Escanats» (en français : égorgés). J'avais entendu raconter par de vieux chasseurs ou vieux bûcherons quelques étranges histoires de processions, de lueurs surnaturelles, de moines...mais sans jamais être convaincu par leurs récits, car les personnes qui narraient ces histoires avaient toujours été les seules à en témoigner.
On en parlait toujours à la veillée de Noël, anniversaire du soir où les malheureux moines avaient été égorgés.
Finalement trop intrigué par ces légendes, et après avoir longtemps réfléchi, je me décidai à aller me rendre compte par moi-même.
Une nuit de Noël, par un magnifique clair de lune et un petit froid vif qui rappelait qu'on était bien en plein hiver, je me mis en route pour ce lieu énigmatique.
Je traversai le village, paré de toutes les illuminations de Noël, dont les habitants s'apprêtaient à se rendre à la messe de minuit, pour réveillonner ensuite. Dans les maisons on entendait des cris d'enfants et des bruits de vaisselle, et de temps en temps, d'une fenêtre entrouverte s'échappaient des fumets de viande rôtie et de savantes sauces. Je sortis du village par le chemin de l'Isoule, franchis ce magnifique pont du Xlle siècle où le torrent faisait grand bruit, traversai une cour de ferme où toutes les lumières étaient allumées, toujours pour se préparer au réveillon. Je m'arrêtais de temps en temps pour me reposer et guetter tous ces bruits de la nuit, le glapissement d'un renard en chasse, le cri lugubre d'une chouette ou le grognement de quelque sanglier en train de fouailler dans un champ, en quête de vermine, ensuite, le silence, propre à la nuit.
Après avoir pris le chemin du grand châtaigner j'arrivai enfin à destination. Par ce clair de lune, les tours, ou ce qu'il en reste, étaient bien visibles. Je franchis le gué et m'installai tant bien que mal au pied de la tour ronde. Je regardai ma montre : comme minuit était encore loin, mes paupières se firent lourdes et je m'assoupis.
Tout à coup, j'éprouve une espèce de crispation nerveuse, l'instinct du chasseur, comme si quelqu'un me regardait. Je me retourne et aperçois, se découpant dans le ciel, la silhouette du locataire des lieux, un magnifique grand-duc qui me regarde de ses grands yeux, l'air tout étonné de me voir là. Attendait-il lui aussi quelque chose ?
J'avais déjà eu affaire à ce rapace. En effet, au cours d'une partie de pêche dans ce coin, alors que j'escaladais un grand rocher pour continuer mon chemin, je glissai sur la mousse et dégringolai dans une faille, me retrouvant dans une sorte de grotte.
En recouvrant mes esprits, car j'avais eu très peur, et en m'habituant peu à peu à l'obscurité, je distinguai face à moi trois grosses boules blanches acculées contre la paroi, les griffes en avant et claquant du bec en poussant de petits cris : j'étais tombé dans un nid de grand-duc. J'essayai de me tirer de cette fâcheuse posture, quand une ombre vint se poser à côté de moi.
C'était un des parents qui me fixait de ses grands yeux en agitant ses petites oreilles. Je pensais qu'il allait me sauter dessus et s'attaquer à mes yeux, mais il n'en fit rien, me regarda pendant un moment qui me parut une éternité, puis disparut furtivement. Je sortis tant bien que mal de mon trou et m'éloignai le plus vite possible. J'avais dû m'assoupir un peu, car en me réveillant vers minuit, je fus saisi d'un sentiment étrange. Un nuage noir, surgi on ne savait d'où, cachait la lune et une grande obscurité avait envahi la vallée.
Soudain, une petite cloche sonna au sommet d'une tour, et une vaste lueur illumina les lieux : je me trouvai dans une grande salle, avec une magnifique voûte et ses arcs romans, supportés par des piliers éclairés par des torches et, sortant des ténèbres, je vis arriver un étrange cortège. Ouvrant la procession, venait un ménestrel avec sa harpe qui chantait sans qu'aucun son sortît de sa bouche, puis un berger, portant sur son dos un agneau qui essayait en vain de bêler, sans un son, puis venait un personnage richement vêtu de brocards et de soieries, sûrement le seigneur de Maupertuis, tenant par la main sa gente Dame, vêtue d'une robe longue toute chamarrée et d'une coiffe de dentelle, et derrière elle, tenant chacun à la main une torche, le prieur et cinq moines dans leurs belles aubes blanches toutes maculées de sang, la gorge déchirée, ils essayaient de chanter, mais aucun son ne sortait de leur bouche sinon quelques grondements gutturaux qui dormaient la chair de poule (le fameux chant des «Escanats»). Tout ce petit monde fît plusieurs fois le tour de la belle salle, indifférent à ma présence. J'aurais voulu les toucher, leur parler, mais j'étais comme paralysé, incapable de bouger aucun de mes membres.
J'étais bouleversé, avec le sentiment d'avoir assisté à un événement surnaturel, profané une cérémonie qui se déroulait depuis des siècles et à laquelle, pourtant, malgré toutes les légendes, personne n'avait jamais assisté.
La lumière s'estompa ; la grande salle et tous ces personnages étranges disparurent dans les profondeurs de la terre.
Le nuage qui avait caché la lune s'en alla comme par enchantement, et à nouveau la lueur du ciel inonda ce lieu étrange.
La lumière du jour et le bruit de la rivière me réveillèrent. J'étais toujours assis devant cette tour ronde, sans aucune trace autour de moi de que j'avais pu voir dans la nuit. Toujours ces éboulis, ces bouquets d'arbres et ces ronces, ces murailles et ces tours à moitié détruites. J'essayai de retrouver quelques indices, mais en vain. Plus la moindre trace de salle médiévale ni de cortège. Absolument tout avait disparu.
J'eus du mal à quitter cet endroit qui m'avait plongé dans le surnaturel et le Moyen Age, mais comme je commençais à avoir froid, à regret, je me mis en route vers le village et regagnai le monde civilisé.
Sur le chemin du retour, en repensant au spectacle auquel j'avais assisté en cette étrange nuit, me traversa l'esprit une pensée qui me hante depuis :
« ...et si j'avais rêvé... »
Jean Pautou
http://michele.daubian.perso.sfr.fr/montolie/tours-negres/legende-jean-Pautou.html